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PALESTINE-AMITIÉ Besançon
11 janvier 2018

Rencontre avec le père Manuel Musallam

Birzeit, Cisjordanie le 12/11/2017

 

Le père Manuel nous accueille chaleureusement. (photos Hervé Picaud)

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Ancien curé dans la bande de Gaza de 1995 à 2009, il a rejoint sa ville natale de Birzeit près de Ramallah, en avril 2009.

Il revendique le statut de citoyen palestinien avant même celui de prêtre catholique (en allant vivre à Gaza à la demande de sa hiérarchie religieuse, il a perdu ses papiers et le droit d'être citoyen à Birzeit).

Il fait aujourd'hui partie du comité national populaire pour la justice et la paix à Jérusalem avec des personnalités non politiques de différentes villes chrétiennes et musulmanes.

Concernant la coexistence entre les différentes religions en Palestine, le père Manuel parle de nationalité et non de religion : « La Palestine est pour tous les Palestiniens qu'ils soient juifs, chrétiens, musulmans, druzes.... ! » ; les juifs qui vivaient en Palestine avant 1948 étaient des Palestiniens ! Et les juifs, les chrétiens et les arabes palestiniens ont tous trois des origines sémites !

 

Nous l'interrogeons sur Gaza

Gaza est passé de 1 million d'habitants en 1995 (dont beaucoup de réfugiés) à 2 millions en 2017 et les chrétiens de 3500 à 300. Il précise que cette diminution n'est pas liée au Hamas qui, contrairement à ce que l'on pense, protège les chrétiens. Ce sont les salafistes qui les persécutent.

De 1995 à 2000 : la bande de Gaza était un pays fermé mais il était facile d'obtenir un permis

(200 000 ouvriers allaient travailler en Israël)

Après la 2ème intifada et la lutte armée des Palestiniens contre Israël -une erreur selon le père Manuel- l'occupation s'est renforcée.

En 2006, le Hamas gagne les élections à Gaza car les Palestiniens sont déçu par le Fatah corrompu. Le père Manuel nous dit que le Hamas, composé d'hommes, de femmes, de professeurs et autres professions diverses … est le reflet du peuple palestinien, qu'il a rétabli l'ordre à Gaza (police, tribunaux, gestion des déchets...) mais n'a pas eu les moyens de gouverner.

En 2007, Israël se retire de Gaza (35 colonies ; 4000 personnes) mais les colons détruisent leurs maisons en partant. De l'argent a été donné pour reconstruire mais rien n'a été fait ; Israël a gardé le contrôle de l'eau et de l'électricité (2h/jour!) ; aussi en juillet 2007, les Palestiniens se révoltent.

En 2008, Israël détruit Gaza; même les postes de police sont bombardés ; les ouvriers perdent leur travail et leur matériel (en 1995 : il y avait 700 camions à Gaza ; en 2008 il en reste 7 !)

 

Puis le père Manuel nous parle de son expérience de directeur d'école.

À travers les anecdotes qui illustrent son récit transparaît sa profonde tendresse pour les enfants et leurs familles.

 

Il a été directeur d'une école ouverte à tous (enfants palestiniens chrétiens, musulmans ...) pendant tout son séjour à Gaza ; comme les instituteurs n'étaient pas formés, il a élaboré un programme scolaire en s'inspirant de Piaget : étudier en jouant . Il a favorisé la musique, la danse... en 2 mois les enfants savaient lire !

 

Le père Manuel insiste sur l'importance de l'école pour aider les enfants à résister et à construire la paix. Les parents et les enfants sont bien conscients de l'enjeu.

« Pendant la guerre à Gaza, les Israéliens ont lancé 3 missiles sur l'école. Devant ce spectacle, un enfant de 8 ans lui a dit « les Israéliens ne veulent pas que nous soyons éduqués ! » .C'est pourquoi les enfants acceptent d'aller à l'école de 7h à 15h comme les enfants israéliens, pour être aussi instruits qu'eux (extrait du témoignage du père Manuel « Survivre à Gaza et mourir » sur Youtube).

 

Il raconte aussi qu'après la guerre à Gaza, les enfants étaient terrorisés ; certains avaient été blessés, des parents avaient été tués ; ils ne parlaient plus, ne jouaient plus. L'intervention de psychologues ne réussissaient pas à les faire sortir de leur mutisme, la danse et la musique non plus. Il a fallu que le père Manuel promette de supprimer les examens pour qu'ils se remettent à parler !

 

Quand à l'avenir de la Palestine, le père Manuel l'envisage de plus en plus sombre. Il s'inquiète des déclarations de D. Trump et du ministre israëlien de l'Éducation, N. Benett, pour qui « la victoire de Trump offre à Israël la chance de renoncer immédiatement à l’idée de création d’un Etat palestinien » !

 

Pour le père Manuel, la question de Jérusalem est et restera la clé de la paix ou la guerre ;

par ailleurs les armes ne donneront pas la paix à Israël ; seul le peuple palestinien peut le faire ; enfin, la paix ne sera possible que si la justice, le développement, la vérité, mais aussi le pardon sont possibles. Or :

-la justice est elle possible ?

 Israël n'acceptera jamais de faire revenir les réfugiés, de rendre Jérusalem, de quitter les colonies ! 

- le développement est- il possible ?

la situation économique à Gaza est catastrophique.

le père Manuel donne l'exemple d'un jeune qui, ayant vu sa sœur mendier, a préféré se faire tuer afin que sa famille ait une bouche de moins à nourrir.

- la vérité est-elle possible ?

« qui sont les terroristes ? Qui humilie l'autre ? »

« Israël veut faire de nous des esclaves ; l'occupation c'est l'humiliation ».

- le pardon est- il possible ?

« Mais qui va pardonner ? »

Le père Manuel dit qu'à son âge (80 ans), alors qu'il devrait connaître la sérénité, il continue à être révolté !

Le père Manuel nous a mis face à nos responsabilités d'occidentaux qui avons créé l'Etat d'Israël en 1948, qui parlons de justice et de paix mais qui n'agissons pas vraiment dans ce sens ! « L'Europe est trop complaisante avec Israël ! Pourquoi l'Europe ne reconnaît-elle pas à la Palestine le droit de résister alors qu'elle-même a résisté contre les nazis ? »

Propos recueillis par Michelle Bailly


 

- À lire: Curé à Gaza

Entretiens entre Manuel Musallam et Jean-Claude Petit, L’Aube, 205 p., 18 €.

 

- ci dessous un article du 18 janvier 2013 trouvé sur le site de CAPJPO – Europalestine

Le père Manuel Musallam : "Nous avons le droit absolu de résister par tous les moyens possibles".

À l’heure où la propagande israélienne essaie de faire croire que les Palestiniens chrétiens ne subiraient pas le même sort que les Palestiniens musulmans ou encore qu’ils se désolidariseraient de ces derniers, le Père Manuel Musallam, curé de Gaza pendant 10 ans (y compris sous les bombardements de l’"opération Plomb Durci") et vivant actuellement à Birzeit près de Ramallah, exprime sa colère et affirme le droit à la résistance pour tous les Palestiniens.

"J’entends dire : « Israël a le droit de se défendre ». Mais nous devons dire :
« Israël n’a pas le droit de défendre son occupation de la Palestine ».
Nous n’avons pas l’obligation de protéger ceux qui occupent notre terre, nous assaillent, humilient notre dignité humaine et notre fierté nationale, et nous jettent en prison ».

Nous avons le droit absolu de résister par tous les moyens possibles.

  • C’est notre droit et notre devoir de résister, de ne pas nous taire, alors qu’Israël érode notre terre en construisant des colonies en Cisjordanie.
  • C’est notre droit et notre devoir de résister, de ne pas nous taire, quand on voit notre peuple se disperser, alors que nos villages sont détruits pour bâtir des villages israéliens sur notre terre occupée depuis 1948 (1). Voici une reconnaissance explicite de la part des dirigeants israéliens :

« Des villages juifs ont été construits à la place des villages arabes. Vous ne connaissez pas le nom de ces villages et je ne vous le reproche pas, car les livres de géographie n’existent plus. Et non seulement les livres, mais les villages n’existent plus. Nahlal a remplacé Mahlul, le Kibbutz Gvat a remplacé Jibta, le Kibbutz Sarid a remplacé Huneifis et Kefar Yehushua est à la place de Tal al-Shuman. Il n’y a pas un seul endroit dans ce pays qui n’ait pas eu une ancienne population arabe ». David Ben Gourion (2)

  • C’est notre droit et notre devoir de défendre Jérusalem, de la reprendre à Israël et de démolir le mur de l’apartheid qui l’entoure.
  • C’est notre devoir d’empêcher le changement culturel, patrimonial et historique de Jérusalem.
  • Nous sommes aussi dans l’obligation de reprendre le droit d’y faire nos dévotions. Toute notre histoire se situe à Jérusalem. Pour le salut de Jérusalem, nous ne nous soumettrons pas au silence, nous ne cesserons pas notre résistance.

Cruels massacres.

Nous devons dévoiler les innombrables, cruels et atroces massacres qu’Israël a commis contre notre peuple innocent, tout en bénéficiant de l’immunité légale depuis 1948 :

31/12/1947 – Massacre du village de Sheikh – 600 martyrs.

18/01/1948 – Massacre de Mansoora Elkheit – destruction de 20 maisons.

10/04/1948 – Massacre de Deir Yassin – 360 martyrs.

14/05/1948 – Massacre de Shusha – 50 martyrs.

11/07/1948 – Massacre de Lod – 426 martyrs.

14/10/1953 – Massacre de Qibya – destruction de 56 maisons et 69 martyrs.

10/10/1956 – Massacre de Qalkilia – 70 martyrs.

29/10/1956 – Massacre de Kfar Kassem – 49 martyrs.

03/11/1956 – Massacre de Khan Younis – 500 martyrs.

18/09/1982 – Massacre de Sabra et Chatila – 3.500 martyrs.

08/10/1990 – Massacre de la Mosquée Al Aqsa – 21 martyrs.

25/02/1994 – Massacre de la Mosquée Ibrahimi – 50 martyrs.

19/04/1996 – Massacre de Qana au Liban – 160 martyrs.

27/09/1996 – Massacre (à l’occasion de l’ouverture du Tunnel sous l’Esplanade des Mosquées) – 70 martyrs.

12/04//2002 – Massacre du camp de réfugiés de Jénine – 58 martyrs.

12/07/2006 – Second Massacre de Qana – 57 martyrs.

27/12/2008 – Massacre de Gaza – 1.417 martyrs + 5.450 blessés.

14/11/2012 – Second Massacre de Gaza – 160 martyrs + 1.800 blessés.

Puis d’autres grands et petits massacres commis par Israël contre les Palestiniens, que nous n’avons pas cités. Les gouvernements partout dans le monde ne s’intéressent pas aux Palestiniens, même si leur peuple se soulève pour défendre la nation palestinienne opprimée. Les gens sont aveuglés par les médias mensongers et trompeurs.

On ne s’interroge pas sur la réalité :

  • Pourquoi cette occupation et ce siège sans fin, et les risques que court constamment la population de Gaza ?
  • Pourquoi cette deuxième guerre violente contre Gaza, où il y a eu des centaines de morts et des milliers de blessés ?
  • Pourquoi tous ces cruels crimes de guerre commis contre les enfants de Gaza qui pleurent et tremblent sans arrêt ?
  • Pourquoi n’y a-t-il personne pour appliquer les lois internationales sur la protection des innocents pendant les guerres et les conflits ?
  • Pourquoi les adultes sont-ils forcés de mourir en défendant Gaza au lieu de vivre pour mettre cette région en valeur ?

« Celui qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende ! » (Évangile, Matthieu 11 :15)

  • Les habitants de Gaza sont les vrais propriétaires de la terre dont s’est emparé Israël en 1948.
  • Les habitants de Gaza sont les vrais propriétaires des maisons détruites et rasées pour être remplacées par des kibbutzim et des moshavim tels que Sderot, Malachi, Kfar Azza etc.
  • Les habitants de Gaza sont les vrais propriétaires des villages qui sont devenus des fermes et des serres pour le Sephardim et les Ashkenazim.
  • Les habitants de Gaza sont les réfugiés expulsés de force de cette terre à eux, vers laquelle se tournent leurs pieds et leurs yeux.

Quand ils nettoient les clés de leurs anciennes maisons détruites, ils pleurent. Quand ils jettent un regard sur leurs maisons rasées et sur leurs arbres arrachés, ils pleurent. Quand ils vérifient leurs vieux documents cadastraux authentiques, ils pleurent. Quand ils reçoivent des cadeaux de nourriture de l’ONU et se souviennent de leur terre volée, fertile en blé et en orge, ils pleurent.

Considérez cette affirmation :

« Ne nous cachons pas la vérité. Politiquement nous sommes les agresseurs et ils se défendent… Ce pays est le leur, parce qu’ils y habitent, alors que nous venons nous y installer et de leur point de vue nous voulons les chasser de leur propre pays ». (David Ben Gourion) (3)

Pas de Paix sans « Droit au Retour ».

Les Gazaouis n’attaquent pas Israël, ils résistent à Israël afin de retourner chez eux. Ils ont le droit de dire : « pas de paix sans Droit au Retour ». Les Palestiniens ne sont pas contre les Juifs mais contre l’État Sioniste d’Israël. Les Palestiniens ne poussent pas Israël vers la mer, mais ils sont expulsés de leur État par la force.

Tant que les habitants de Gaza seront des réfugiés, aucun Israélien ne sera dans une situation stable.

Tant que les enfants de Gaza pleurent et craignent pour leur vie, aucun enfant israélien ne cessera de pleurer.

Moins les Palestiniens sont libres, plus les Israéliens sont enfermés dans leurs tanks et leurs casernes.

Plus on nous prive de notre Etat, plus la paix, la stabilité et la tranquillité s’éloignent du Moyen Orient.

« Israël veut se protéger !! »

La seule protection pour Israël, ce n’est pas l’armement mais la paix avec ses voisins.

La paix est bilatérale.

Le droit à un Etat est bilatéral.

La sécurité est bilatérale.

La patrie est bilatérale.

Sans que nous obtenions tous nos droits à la justice, la paix avec Israël n’est pas possible.

Si la force ne construit pas la paix aujourd’hui, elle sera demain la cause de la destruction d’Israël.

Nous avons confiance en l’humanité et nous demandons que la Palestine soit libérée de la peur et du colonialisme. L’occupation conduit la région vers une éventuelle guerre de religion. La Mosquée Al-Aqsa risque d’être détruite pour qu’on construise le troisième Temple. Les hommes de bonne volonté devraient défendre l’oppressé et non l’oppresseur.

Nous ne demandons pas qu’on ait pitié de nous, nous demandons qu’on nous donne notre liberté et nos droits à la justice.

Quand notre État sera construit, avec Jérusalem comme capitale, la violence cessera des deux côtés."

Père Manuel Musallam

Birzeit, le 16/01/2013

(1) 418 villages ont été détruits

(2) David Ben Gourion, (cité dans « The Jewish Paradox », de Nahum Goldman, Weidenfeld and Nicolson, 1978, p. 99)

(3) David Ben Gourion, (cité pages 91-92 par Chomsky dans « Fateful Triangle », et que l’on trouve dans « Zionism and the Palestinians » par Simha Flapan, pages141-142, qui cite un discours de 1938)

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