RACHEL prochain film programmé par Palestine-Amitié le 17 mars 2023
Deux séances sont programmées
au Foyer Habitat Jeunes les Oiseaux le 17 mars 2023
La venue de Sarah Katz et Pierre Stambul de l’UJFP
est pressentiee pour cette soirée.
BITTON Simone - 2008 Rachel (FR-Doc,Palestine,Israël-100mn)
Rachel Corrie, 23 ans, est arrivée en Palestine, croyant que sa nationalité américaine suffirait
à faire d'elle un bouclier humain efficace pour sauver des vies, des oliviers, des puits et des
maisons. Mais Rachel a été écrasée par un bulldozer le 16 mars 2003 dans la bande de Gaza.
Comme beaucoup de jeunes gens, elle tenait un journal de voyage sous forme d'e-mails
qu'elle envoyait à sa famille et à ses amis aux Etats-Unis. Des membres des différentes parties
prennent la parole. Ce film juxtapose des versions contradictoires du même événement,
observe les lieux du drame et dévoile de nombreux documents inédits. Vérité ou mensonge ?
Témoignage ou propagande ? Réflexion sur la jeunesse, la guerre, l'idéalisme et l'engagement
politique...
À qui appartient la guerre ?
par Laurine Estrade
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Depuis le remarqué Mur en 2004, Simone Bitton n’avait plus fait parler d’elle. Et pour cause :
déjà un autre film se préparait. Réflexions, investigations : un documentaire se façonne à
l’épreuve du temps. Rachel, dont le tournage s’est partagé entre les États-Unis, la Grande-
Bretagne, Israël et la Palestine en est l’exemplaire réussite.
Rachel Corrie était une bénévole pacifiste américaine de 23 ans, mortellement écrasée par un
bulldozer de l’armée israélienne, en 2003 à Rafah. Simone Bitton construit un film-enquête
qui transcende rapidement son point de départ (le fait divers très médiatisé), puis son sujet
politique (le conflit israélo-palestinien), pour muer en un documentaire poétique et céleste,
une ode à la jeunesse, portée par les textes brillants de Rachel en voix off. Cette poésie, cette
justesse de ton et de regard, relève de la qualité du montage et de son rythme narratif. La
pluralité des supports : e-mails et lettres lus en off, photographies et vidéo amateurs, images
de caméra de surveillance, documents officiels ; inscrit non seulement le documentaire dans
une époque, mais prouve surtout sa capacité à digérer et articuler des matériaux
complémentaires. Sélectionnées avec soin, ils donnent au film une admirable cohérence
esthétique.
La qualité de Rachel se juge aussi à son audace. Un documentaire téméraire, c’est un film qui
ne s’interdit rien par facilité. Si Simone Bitton ne vise pas le sensationnalisme, elle ne renonce
pas pour autant à rendre compte de la réalité parfois crue liée à l’épisode tragique. Non
seulement elle montre à plusieurs reprises des images du cadavre de Rachel, mais elle
approche aussi sa caméra de la peine de ses parents, et ce, avec une pudeur sans conteste.
Un défi brillamment relevé donc : la réalisatrice tombe un à un les à-priori esthétiques et
narratifs (dont la télévision est en partie responsable) qui touchent à la mise en scène d’un fait
divers. Lucide sur lui-même, le film assume son voyeurisme, l’explique même : montrer, c’est
témoigner.
La forme soignée et douce se fond avec l’investigation tenace et déterminée de la réalisatrice,
traduite par ses interventions pertinentes en off lors des entretiens. Osons la comparaison :
dans sa façon d’obtenir et de mener une interview ainsi que dans sa capacité à arracher des
réponses à ses interlocuteurs, Simone Bitton est tout aussi opiniâtre que Claude Lanzmann
1 https://www.critikat.com/actualite-cine/critique/rachel/
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l’était dans Shoah. Que ce soit face à l’austérité de la propagandiste en chef de l’armée
israélienne ou avec un ancien bénévole désillusionné, la réalisatrice sait ricocher sur les
réponses « en surface » pour faire émerger des morceaux de vérités. Elle sait aussi se taire. Un
silence au cours d’une interview et nous entendons le documentaire respirer.
Car paradoxalement, c’est la vie qui circule dans Rachel. Le film touche par le respect qu’il
témoigne envers la jeunesse. « Ce n’est pas votre guerre ! C’est la mienne ! » lance le jeune
conducteur d’un bulldozer dans une scène tirée d’images amateurs. Le spectateur découvre
ahuri que la massive carrosserie de l’engin abrite des soldats imberbes, aussi jeunes que les
pacifistes qui leur font face. Cette guerre implique des « gamins curieux » décrit joliment
Rachel dans ses correspondances. Des « gamins curieux » que Simone Bitton désigne comme
la relève d’un monde nouveau. Un monde dont l’histoire ne permet plus de lutter avec espoir.
C’est ainsi que s’exprime Yonatan, Israélien et anarchiste : « Lutter c’est devenu vivre. »
Rachel en prend acte.
Autre lien : https://www.critikat.com/actualite-cine/critique/rachel/