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PALESTINE-AMITIÉ Besançon
26 novembre 2015

Voyage jeudi 5 novembre 2015

Jerusalem – Nazareth

Chauffeur: Allan. Guide: Sabri 

La journée débute bien. Étienne et Marité sont levés à l'heure ! Pierre parvient à se glisser dans le petit espace que Mustapha a laissé pour lui entre les valises sur la banquette au fond du bus.

Départ du Rivoli Hôtel à Jérusalem. Direction Nazareth.

8 h 03 nous prenons un auto-stoppeur nommé Sabri...charmant garçon!

Les colonies se succèdent, certaines déjà prêtes à être reliées à Jérusalem. Passage devant la prison de Ofer, la seule située en Cisjordanie. Nous sortons de Cisjordanie pour entrer dans l'état d'Israël et passons près d'un village détruit. Sabri nous parle des accords d'Oslo dans lesquels la Cisjordanie a été divisée en 3 zones, et dans lesquels aussi le problème du statut de Jérusalem a été repoussé et les questions de l'eau et des réfugiés ont été mises de côté. Aujourd'hui «Oslo» est achevé et 95% des Palestiniens sont dans les zones A et B :

Zone A: La gestion administrative est palestinienne. La sécurité est assurée par la police palestinienne mais il n'y a pas d'armée palestinienne car seul un état souverain peut disposer d'une armée ce qui n'est pas le cas actuellement pour la Palestine.

Zone B: Les Palestiniens assurent uniquement le contrôle administratif. Les villages sont gérés par des municipalités.

Zone C: Israël assure le contrôle total.

Remarque : Israël peut intervenir militairement dans les trois zones

 

Nous passons devant les usines TEVA et NESTLE. Nous contournons Tel-Aviv. La route a été construite en même temps que le mur, elle est à 2 X 2 voies et va jusqu'à Haïfa. Elle traverse le pays à l'intérieur des terres et le but est de déplacer la population de façon à entraîner le centre de gravité démographique vers le centre du pays. Les routes ne sont pas construites au hasard et constituent un quadrillage non dénué d'arrières pensées. Nous nous arrêtons pour une pause sur une aire de repos. Au bout d'une bonne dizaine de minutes le marc de mon café parvient au rez de chaussée de ma tasse! Ma décision est prise : je passerai désormais au thé !

Nous longeons la Cisjordanie, apercevons Tulkarem et Taibeh ainsi que la prison de Meggido qui «abrite» bon nombre de prisonniers  politiques palestiniens. Nous remarquons des oliveraies dont l'appartenance est facile à deviner. Si elles sont irriguées elles sont israéliennes, sinon elles sont palestiniennes !

Arrivée à Nazareth, la seule ville palestinienne ayant échappé à la politique d'épuration ethnique pratiquée par Israël en 1948 (à cause de ses liens avec le Vatican). De ce fait, avec ses 70.000 habitants, elle est restée la plus grande agglomération palestinienne de l'état d'Israël et la plus grande ville de Galilée. Cela n'a pas empêché, tout à côté et sur des terres confisquées,  la création de son « doublon » israélien , Nazareth Illit, (« les Hauts de Nazareth »)  qui compte environ 50.000 habitants (dont 15 % d'origine palestinienne connaissant bien des problèmes de discrimination liés à leur origine).

Nous avons rendez-vous avec Mme Haneen al Zouabi députée palestinienne au Parlement d'Israël (Knesset). L'accueil est sympathique. Gisèle en profite pour prononcer à 10h42 une phrase historique: «Qui ne veut pas de café?». Revenant sur terre elle fait la présentation de l'association Palestine-Amitié.

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Madame la Députée nous fait un exposé très intéressant, ceci avec une passion et un débit vocal qui peuvent être soutenus et entraînent des  dégâts collatéraux dans la prise de notes qui relève de l'exploit! Nous pouvons retenir ces propos:

« En Israël, nous Palestiniens,  n'acceptons pas d'être des citoyens de seconde classe. Nous sommes les indigènes de la région et lorsque nous affirmons cela nous devenons des ennemis. C'est pourtant Israël qui a immigré chez nous!

On nous dit: « vous avez des droits civiques, oubliez votre identité». Inacceptable !

80% des lois sont explicitement racistes.

Le projet sioniste qui reste le même après quatre générations dit : « On ne voulait pas vous expulser, vous les Palestiniens : on voulait seulement pouvoir  vous contrôler avec votre consentement mais vous n'avez pas accepté et on a dû expulser 85% d'entre vous ; d'ailleurs c'était une erreur de ne pas avoir expulsé 100%de la population palestinienne....» Voilà ce qu'on peut entendre dans le discours des juifs, s'indigne-telle, et l'on voudrait qu'on ne réagisse pas ?

Elle rappelle non sans une certaine colère une théorie de Ben Gourion : les vieux meurent et les jeunes oublient.  Et conclut avec amertume qu'une réécriture de l'Histoire et de la géographie voulue par Israël devrait permettre  d'y parvenir. D'où une nécessaire résistance face à l'Histoire et la mémoire qu'on voudrait transformer, voire effacer.

Madame la députée se souvient avoir lu en CM1 : « Nous sommes venus, nous avons construit des écoles et des routes. Nous apportions la modernité ». Or, la réalité c'est qu' on a détruit notre modernité, dit-elle, nos orangeraies, nos centres culturels, tout ce qui était notre identité, notre vie. Nous sommes vus comme des « fantômes » et des obstacles à la judaïsation du pays.

Autres discriminations : pour être enseignant, il nous faut une autorisation du service de sécurité israélien ; on interdit la vente de terres (préalablement confisquées) à ceux qui sont originaires du pays...Chaque semaine, 3 lois racistes sont actuellement votées.  C'est cela qu'il faut faire entendre au monde, aux élus d'Europe et d'ailleurs :  on  veut nous faire croire que nous sommes à égalité avec les juifs alors que s'est établi un véritable système d'Apartheid. 

On nous dit «Vous pouvez manifester et revendiquer mais dans les règles de reconnaissance de la supériorité juive sioniste ». Or, je ne peux être une citoyenne sioniste ! 

Dans l'éducation, la littérature palestinienne n'est pas autorisée. Il n'y a aucun budget pour la production palestinienne. Il est impossible de montrer un film palestinien dans un centre culturel israélien. 

Nous  sommes plus que dans une discrimination nous sommes dans du colonialisme. Le Palestinien est un obstacle au projet israélien. 55% des juifs considèrent qu'il ne faut pas accorder la nationalité aux Palestiniens d'Israël. 

Nous voulons l'égalité et faire savoir que nous ne sommes pas des terroristes. Mais l'égalité n'est pas possible dans un état juif. Nous avons le droit de revendiquer d'être Palestiniens. Mais on nous répond que nous sommes des envahisseurs (sur nos propres terres!). Ainsi discriminer les Palestiniens et les tenir à l'écart fait partie de la culture sioniste. «Achetez une arme et défendez vous» a dit aux juifs le ministre de la défense. La diabolisation des Palestiniens entraîne ainsi la peur et leur dévalorisation : on  en fait des « sous-humains » . «J'ai tué dans ma vie un certain nombre d'arabes et cela ne me pose pas de problème» a dit dernièrement le ministre de l'éducation sans que personne ne trouve rien à redire à cela...

Le combat inégal mené par cette femme de conviction et de fermeté nous impressionne.

 

Suivent des questions du groupe qui conduisent aux précisions suivantes. :

Il y a 13 députés palestiniens d'Israël sur un total de120 députés à la Knesset. Ils sont   sur une seule liste formée de trois courants (communiste, islamique et nationaliste). « Nous sommes la voix des victimes » dit-elle avec force. Notre influence se joue plus à l'extérieur de la Knesset qu'à l'intérieur. Nous ne pouvons passer aucune loi. Mais nous sommes là et des rencontres comme celle d'aujourd'hui ont plus d'importance que notre présence à la Knesset car nous faisons entendre cette voix qui dénonce l'injustice et l'apartheid au sein même du Parlement israélien.

Car il ne faut pas oublier que dans cette société 54% des Palestiniens sont sous le seuil de pauvreté. Ils représentent 1% de la main d’œuvre en haute technologie. Ils représentent 25% de la jeunesse mais 10% des étudiants à l'université.

En Israël, il y a 39 villages non reconnus (donc ni eau, ni électricité ni école..)

Il faut aussi témoigner sur ce qui se passe au Neguev.

En ce qui concerne les rapports avec la presse, j'ai été sollicitée 4 fois par la presse britannique (le Guardian) mais jamais par la presse française. Je n'ai jamais été invitée par le ministère des affaires étrangères français contrairement à son homologue britannique. L'organisation de la Knesset fait tout pour éviter les rencontres avec les journalistes. »

Voilà la réalité de ce que vit un député palestinien d'Israël ! 

IMG_2645webGisèle remet solennellement à Mme la députée la montre offerte par la ville de Besançon et nous quittons la permanence de l'élue.

 

Retour dans le bus. Sabri dit des choses intéressantes mais il s'adresse à un congrès hivernal de marmottes...quelque peu assommées par cette rencontre avec cette femme en lutte, pleinement engagée dans une cause qui peut nous sembler... désespérée  mais en laquelle elle s'efforce de croire...encore !

 

 

 

 

 

 

Nous partons pour le village de Saffuriya, ancienne capitale de la Galilée et prenons en chemin Ziad, un physiothérapeute engagé dans un autre combat, celui de la Mémoire. Nous nous dirigeons vers un ancien cimetière dans lequel il va nous conter l'histoire de son village qui a été rasé en 1948.

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C'était le plus grand village de Galilée avec 4330 habitants en 1944 dont 10 chrétiens et 4320 musulmans. Ses grands parents ont vécu ici. Le 15/7/1948, pendant le ramadan, il y a d'abord eu un bombardement aérien puis l'armée est arrivée. Tout a été détruit et seules deux mosquées et la forteresse sont restées. Il s'agit d'une forteresse du XVIII ème siècle, elle-même bâtie sur une ancienne forteresse de l'époque romaine. Le village était riche et prospère avec des sources et des arbres fruitiers. Le bombardement a eu lieu face à des gens désarmés. Le village a été fermé sur trois côtés avec une seule ouverture côté nord en direction de la Syrie et du Liban (une heure de voiture). La plupart des réfugiés se sont retrouvés là-bas. En Syrie il y avait une volonté de disperser les réfugiés et au Liban ils n'avaient pas de passeports et subissaient des restrictions dans le droit au travail. Le grand père de Ziad a fui en direction du Liban et est resté deux mois dans un village. Il a voulu revenir mais Israël traita  ceux qui rentraient comme des étrangers et leur refusa l'autorisation de revenir chez eux où des colons juifs de Hongrie s'étaient installés sur les terres de ceux qui avaient été expulsés.

La destruction a pris plusieurs années et en 1954 le village a été totalement rasé. L'armée a instauré un régime militaire. Quelques 600 personnes sont parvenues à revenir et ont eu sur leur carte d'identité israélienne la mention de leur lieu de naissance à savoir Saffuriya.. Ils se sont adressés à la Cour Suprême pour obtenir le droit de revenir mais un refus leur a été opposé de par le fait que la zone était sous régime militaire. Devenus des  réfugiés ils se sont  regroupés dans la banlieue de Nazareth (formant  sur les hauteurs le quartier de Safafra d'où ils avaient vue sur l'emplacement de leur village détruit). C'est là que Ziad a grandi auprès de son grand-père lui montrant souvent le lieu de son ancienne maison.

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Ziad nous dit qu'au XX ème siècle on veut nous faire croire à un conflit religieux alors qu'il s'agit d'une volonté politique d'expansion et d'exclusion. Les deuxième et troisième générations s'étant regroupées en associations pour faire valoir leurs droits de restitution de biens volés ont pu reprendre pied sur l'un des cimetières (autrefois il y en avait quatre) qu'ils remettent en place, le clôturant pour empêcher les colons du voisinage de le labourer et pour le protéger face aux autorités israéliennes. Un soutien leur est apporté par un juif américain qui enseigne près de Haifa et de jeunes juifs américains sont venus sur place apprendre cette Histoire.

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«Nous ne pouvons pas oublier, dit Ziad, il n'y a qu'une solution : revenir à la situation d'avant 1948». 

Nous partons ensuite pour le monastère tout proche qui, lui, n'a pas été détruit . Avant d'y pénétrer, nous découvrons des dessins sur des pierres qui rappellent la mémoire de Taha Muhammad Ali, écrivain poète originaire du village ,auteur de plusieurs livres et de nouvelles. Il avait 17 ans en 1948. (Voir la notice Wikipédia ci-jointe).

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Le monastère est actuellement un institut éducatif avec 55 filles et 12 garçons.. Dans l'entrée se trouve une mosaïque appelée «La Mona Lisa de Palestine» ou «La Mona Lisa de Saffuriya». Visage rayonnant d'une femme de l'Antiquité, retrouvée dans les ruines  de la cité antique de Sepphoris qui fut, dit-on, le « joyau de la Galilée » au temps d'Hérode.

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A la question de savoir ce que sont devenus les témoins encore vivants de cette époque où vivait le village de Saffurya il y a malheureusement peu de traces. Un centre des réfugiés en Angleterre. Salman Abou Sita a fait des recherches, nous dit Ziad,  et les réseaux sociaux peuvent apporter une aide mais la tâche est ardue. 

Le temps va-t-il user la mémoire? Toute une équipe de bénévoles comme Ziad veillent à ce qu'elle ne s'éteigne pas.

C'est à la nuit tombée que nous quittons ce lieu lourd d'une Histoire tragique.

 

Notice Wikipédia de Taha Muhammad Ali

Taha Muhammad Ali, né en 1931dans le village de Saffouriya en Galilée et mort le 2 octobre 2011 à Nazareth, est un poète-conteur palestinien autodidacte et atypique. Il vécut à Nazareth jusqu'à sa mort. Il est plus âgé que Samih al-Qâsim et Mahmoud Darwich; tous trois sont de la même génération de poètes qui ont libéré la poésie palestinienne du nationalisme, après la génération de Fadwa et Ibrahim Touqan

Son village de Saffouriya a été construit non loin du site de la ville antique de Sepphoris. Mais le Galiléen âgé de 17 ans émigre au Liban, car l'armée israélienne détruit son village lors de la guerre de 1948. Un an passe, et Taha Muhammad Ali franchit de nouveau la frontière avec sa famille. Il constate la destruction complète de son village et décide alors de s'installer à Nazareth. Sans haine, il ne quitte plus cette ville, où il tient jusqu'à sa mort, une boutique de souvenirs sur Casanova street. 

Pierre et Jean-François 

 
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