Voyage lundi 9/11/15
Aqabat Jaber- Jéricho- Bethléem (Beit Sahour)
Après un petit déjeuner délicieux préparé et partagé avec nos amies palestiniennes, nous quittons la maison d’hôtes du Centre des Femmes du camp d’Aqabat Jaber. Mais nous tardons à nous séparer : 9 h, il fait beau, nous entendons les cris joyeux des enfants qui entrent à l’école voisine. Nous nous promettons de nous revoir et nous recevons avec beaucoup d’émotion le petit cadeau de départ offert à chacun, un petit pot de miel.
Pour nous rendre au centre de Jéricho (21 000 hab.), ville la plus ancienne du monde connue, la plus basse du globe à 240 m sous le niveau de la mer, nous passons par le quartier général de l’Autorité palestinienne (la cour pénale militaire, la prison et une mosquée). Jéricho est la première ville palestinienne à accéder au statut d’autonomie en 1994. Après une période de réoccupation israélienne pendant la seconde Intifada, elle est rendue à l’Autorité palestinienne en 2005. Notre accompagnateur, Mustafa, en profite pour faire un rappel historique de la ville :
- première ville du pays de Canaan conquise par Josué et les Hébreux en 1493 avant notre ère (chute des murailles et sonnerie des trompettes, dit la Bible),
- ville-oasis offerte à Cléopâtre par Marc Antoine et cédée à Hérode le Grand par Octave,
- ville recevant plusieurs visites de Jésus-Christ (guérison des deux aveugles, rencontre avec le collecteur d’impôts Zachée monté sur un arbre pour mieux voir le Christ ; on nous montre encore aujourd’hui l’emplacement de cet arbre sur la « Place de L ‘Arbre de Zachée » où nous passons !)
- ville attaquée par les Bédouins vers le XII e siècle, ce qui entraîne son déclin...
Nous découvrons le palais Hisham, ancien palais d’hiver édifié par un calife omeyyade du VIII e siècle (Hisham bin Abd al-Malik). Cette construction qui n’a pas résisté au tremblement de terre de 749 est en cours de restauration. Un projet appelé « la Maison des mosaïques » est à l’étude pour mettre en valeur ce site.
Les ruines nous laissent deviner des espaces différents : une antichambre, un espace public où le calife recevait ses invités, une chambre pour prière, un hammam froid, un bassin (espace privé), des thermes, une mosquée. Ces vestiges abritent surtout des mosaïques de toute beauté : l’immense mosaïque qui pave les bains, d’une conservation exceptionnelle et pour l’instant protégée par une couche de sable et dans la salle de réception une mosaïque qui abrite le célèbre « Arbre de vie ». C’est un grenadier avec d’un côté deux gazelles mangeant des feuilles paisiblement et de l’autre une troisième se faisant dévorer par un lion. Cette mosaïque symbolise la vie et la mort. Les 15 grenades portées par l’arbre représentent les 15 pays conquis par les Omeyyades.
On peut également découvrir « l’Etoile de Jéricho », imposante sculpture en forme d’étoile à six branches, de belles colonnes d’origine coiffées de chapiteaux tandis que d’autres ont été grossièrement restaurées.
A la sortie du palais, l’environnement aride de la vallée du Jourdain nous écrase. Le mont de la Tentation, tout blanc, est face à nous. Dans son flanc, nous distinguons le monastère orthodoxe de la Quarantaine qui marque l’emplacement où Jésus, mis à l’épreuve, passa 40 jours. Il est construit en 1895 sur la place d’une église croisée.
Il y a un soupçon de pluie…. Hésitation. Allons-nous faire la randonnée de deux heures prévue dans le Wadi Qelt ?
Devant le paysage grandiose, la réponse apportée est unanimement positive.
Un chemin escarpé est bien dessiné. Nous nous engageons lentement pour profiter de la vue. Nous apercevons des filets d’eau au fond de la gorge, de temps en temps de petits arbustes bleu, vert. Mais à cette saison, c’est avant tout un univers de rochers dans lesquels on devine de très nombreuses grottes qui ont pour certaines un accès bien aménagé afin d’abriter des ermites.
Notre arrêt pique-nique, arrosé d’un thé chaud préparé par Mustafa et accompagné de « douceurs orientales » est interrompu par l’arrivée d’un troupeau de chèvres qui apprécient au passage les peaux de banane ! Le monastère Saint-Georges se rapproche.
Taillé à même la roche, il se dresse près d’un groupe de grottes. Fondé en 480 par Jean le Kozibite, détruit par les Perses qui tuent les moines (reliques de 14 crânes de moines), reconstruit au XIIe siècle, puis abandonné, il doit son aspect actuel à une restauration de la fin du XIXe siècle. Les Grecs orthodoxes s’installent et actuellement une dizaine de moines y vivent.
Notre très agréable balade se termine. On refuse très fermement l’aide du taxi-âne pour la dernière montée. L’honneur est sauf !
Nous reprenons le bus pour nous rendre au rendez-vous que nous avons avec le Comité Popular al Jahalin . Nous empruntons une large route avec une vue magnifique sur les montagnes de Judée à droite et de la Jordanie à gauche. Nous notons quelques camps de Bédouins mais surtout sur les crêtes de nombreuses implantations de colonies, facilement identifiables : constructions récentes aux toits rouges, bien agencées. Une de ces colonies retient tout particulièrement l’attention ; elle est construite en rond comme une forteresse !
Nous arrivons à la nuit tombée dans la communauté bédouine Al Jahalin.
Cette communauté d’éleveurs de chèvres et de brebis (54 familles. 350 personnes) venant du Néguev a trouvé refuge sur cette « montagne du Pape », (colline offerte en 1964 au pape Paul VI). Le territoire qui leur est alloué est de trois hectares. Ils n’ont pas suffisamment de terres pour leurs animaux. Ils ne détiennent plus que 700 têtes de bétail au lieu de 3800. Ils voient leur mode de vie en rupture de plus en plus marquée avec leurs traditions de nomadisme. Ils n’ont plus le droit au pâturage. Entre le Mur, les colonies, la route de contournement destinée aux colons, il n’y a plus de place pour les animaux.
Israël veut les expulser. En 2014, il y a eu 14 maisons démolies. Un seul point d’entrée. Pas de route digne de ce nom, reliée au réseau national. Sont-ils signalés sur une carte ? Ils sont rendus « invisibles » comme nous le montre sur une carte le responsable de ce camp. Les infrastructures, l’accès aux principaux services publics (école, dispensaire, électricité, eau, ramassage des ordures …) sont très insuffisants malgré les aides qui peuvent, au compte-goutte, leur parvenir (aide du Vatican pour la construction de la salle où nous sommes accueillis, aide de la Communauté européenne pour l’eau…).
Nous sommes effrayés par la précarité de leur situation. Nous ne pouvons qu’admirer leur courage, leur très grande dignité. Ils résistent contre les harcèlements quotidiens et à plus long terme, pour leur survie, car un projet de construction d’un « parc national » sur leur territoire les menace. Les responsables du campement essaient, quand on leur permet, de multiplier les démarches à l’extérieur. Ils rencontrent des instances représentatives à Bruxelles, à Paris, au Vatican… Mais rien ne bouge… pour l’instant.
Notre échange va prendre brutalement fin. Une coupure d’électricité (câble sectionné !) précipite notre départ. Nous remontons dans le bus, silencieux, troublés et indignés !
Claudine